I was asked to review a novel recently, the story of which I didn't respond to very well. Not only did the novel turn out to be yet another male writer building a story on a sole character who only looks at its own navel, in poor prose, it was also another story from a male writer who speaks as a woman in the first person and depicts the rape of a woman, and female prostitution.
I suddenly realised that publishing houses in Algeria are letting a specific genre developping, that of the egocentric novel, but also that, more worryingly, editors in Algeria and in France are regularly publishing, if not downright promoting, rape narratives recounted by a female character itself told by a male voice, that of the writer.
While it could make for a great way to approach that kind of topic, it has made for linear, poor and what's worse: apologists' stories. Very disturbing.
My review of the novel and my critique of the genre are on TSA in French and below :
I suddenly realised that publishing houses in Algeria are letting a specific genre developping, that of the egocentric novel, but also that, more worryingly, editors in Algeria and in France are regularly publishing, if not downright promoting, rape narratives recounted by a female character itself told by a male voice, that of the writer.
While it could make for a great way to approach that kind of topic, it has made for linear, poor and what's worse: apologists' stories. Very disturbing.
My review of the novel and my critique of the genre are on TSA in French and below :
La porte de la mer est le
nouveau roman de Youcef Zirem, paru aux éditions Intervalles en juin
2016. Dans ce nouveau roman, l’auteur prend la voix d’une femme, celle
d’Amina qui narrera à la première personne son parcours de jeune
prostituée.
Le roman s’ouvre au tournant des années
90s. Le père d’Amina, veuf, est monté au maquis. Devenu émir de sa
région, il redescend régulièrement prendre des nouvelles de la famille
auprès d’Amina, sa fille aînée. C’est lors d’une de ces rencontres
cachées que son père la viole. Amina racontera tout à ses jeunes frères
et les prendra en charge. Son père ne réintégrera pas le village et la
maison familiale. Jusqu’à l’amnistie.
L’année de ce viol est aussi l’année du
bac pour Amina, et quelques semaines avant les épreuves, la jeune fille
se rend compte qu’elle est enceinte. Elle réussit tout de même son
examen45 et s’inscrit à la faculté des lettres d’Alger. Elle gardera
l’enfant et le fera adopter en suivant son dossier de près pour pouvoir
un jour le reprendre. Une fois à l’université, elle commence à se
prostituer avec une amie déjà dans le circuit. Au fil de ses études,
elle deviendra très vite « une prostituée de luxe ».
Lors d’une visite à Béjaïa, la ville de
la Porte dorée ou la Porte de la mer qui inspire le titre de ce roman,
Amina sèche un rendez-vous avec un client et décide d’arrêter de se
prostituer pour devenir professeur de français.
Si la plume de Zirem n’est pas
entièrement désagréable, son traitement superficiel du sujet l’est
profondément. En moins de 50 pages, cette femme est violée, passe son
bac, entre à l’université, accouche, se prostitue, fait adopter son
fils, tombe amoureuse d’un de ses clients, tombe amoureuse d’un autre de
ses clients, mange une pizza, et visite Béjaïa.
Si on comprend bien que l’auteur se
délecte, pour un roman de 140 pages, l’enchaînement fulgurant
d’événements ainsi empaquetés et tragiques rend le récit frivole. À.
cette vitesse, Zirem ne peut pas construire un personnage qui raconte,
il construit un protagoniste qui nomme. Amina nomme des lieux, des
adjectifs, des proches, des amis, cite Pessoa et Réné Char, mais elle
n’exprime rien. Elle n’en a même pas le temps.
Les épreuves subies par Amina défilent
ainsi, de l’extérieur, un paradoxe pour des situations si intimes et des
souffrances intériorisées, énoncées dans un style plus proche du roman
Harlequin que d’Ahlem Mosteghanemi, d’Emilie Brontë, ou d’autres
championnes de la condition féminine.
Viol, récit de femmes et littérature
Récemment, plusieurs auteurs ont construit leur roman autour d’un viol de femme. Bachir Mefti dans Pantin de feu, sélectionné pour l’Arabic Booker Prize
en 2012 en langue arabe et récemment traduit en français par Lotfi Nia,
a construit une fiction autour d’un seul personnage, Réda Chaouch, qui
raconte son ‘histoire d’amour’ avec Rania, une jeune fille qu’il
harcèlera et violera chez elle après son mariage à un autre, lui faisant
un enfant qu’il fera assassiné plus tard.
En 2015, le prix Assia Djebar était remis à Amine Ait Hadi pour son roman L’Aube au-delà
qui avait aussi choisi de prendre une voix de femme, celle de Meryem
qui racontera les atroces violences qu’elle subit de son violeur, les
autres infligées par son père, et sa délivrance lorsqu’elle égorge son
tortionnaire.
Le sujet que Zirem et ces autres auteurs
ont choisi d’explorer est grave, complexe et délicat, d’autant plus
qu’ici les auteurs, des hommes, s’imaginent au féminin pour décrire la
relation d’une femme à son corps – lors d’un viol notamment ou lors de
rapports de force entre sexe et argent chez Zirem -, pour décrire la
relation d’une mère à son enfant issue d’un viol, pour dire ses désirs
aussi et leurs attentes.
Pourquoi ces romans n’ont-ils pas réussi leur pari ?
Dans Le vent du Sud pourtant un
roman précurseur, Abdelhamid Benhadouga avait, lui, construit une
fiction captivante dans un style travaillé, généreux et ouvert autour de
Nafissa, une jeune fille issue d’une famille profondément patriarcale
et qui essaiera vainement de fuir un mariage forcé et de se défaire de
traditions familiales néfastes.
Parmi les romans publiés ces dernières
années chez nous, en langue française ou en arabe, un phénomène tangible
est en train de se développer. Contrairement aux décades précédentes,
les années 2010, assistées par les maisons d’éditions, ont enfanté le
« roman à personnage unique ».
Le roman à personnage unique est un
roman construit, non pas autour, mais sur un seul personnage, entouré
exclusivement de faire-valoir et autres figurants dont les agissements,
les ressentis ou l’historique restent sous développés. Des personnages
en cartons en somme. Le roman de Zirem, Mefti et Ait Hadi font partie
de ce nouveau genre.
Construire une fiction sur un seul
personnage peut se révéler un excellent conducteur cependant. Rachid
Boudjedra l’a superbement réalisé avec L’escargot entêté publié
en 1974 chez l’Anep, et chaque roman de Nina Bouraoui est composé
entièrement sur les pensées d’une seule personne qui se contemple, elle
et sa relation avec les autres.
Ailleurs, l’Anglaise Rachel Cusk dans Outline
a écrit un récit bâti sur les voix qu’un seul personnage entend,
rapporte et interprète. C’est sans dire explicitement qui elle est,
grâce à ces non-dits, que le personnage se découvre.
Dans ces romans, le protagoniste raconte
le monde qu’il voit à travers ses yeux propres, certes exclusivement,
mais son regard est porté sur les autres et sa relation avec eux.
Dans un « roman à personnage unique »,
le protagoniste va non pas raconter le monde, il va se raconter, lui, en
circuit fermé. Le monde n’est qu’un décor, les autres ne sont qu’une
estrade. Les lieux et les personnes sont réduits à de simples artifices
pour mieux se refléter, comme Narcisse.
Le personnage unique est non seulement le personnage central d’un roman : il est le roman.
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